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RECONFINEMENT : L’éco­no­mie mondiale survi­vra-t-elle à un recon­fi­ne­ment ?

Alors que la pandémie de Covid-19 continue de progresser, le spectre du reconfinement gagne l’Europe. Mais les dirigeants veulent à tout prix éviter ses conséquences économiques désastreuses.

La dépêche AFP de ce lundi 28 septembre fait froid dans le dos : le Covid-19 a tué plus d’un million de personnes dans le monde, dont plus de 200 000 aux États-Unis et plus de 30 000 en France, où le nombre de cas quoti­diens s’en­vole avec plus de 11 000 cas supplé­men­taires samedi. Il n’est donc pas éton­nant que le gouver­ne­ment, dans une tenta­tive de frei­ner la proli­fé­ra­tion du virus, ait placé plus d’une dizaine de métro­poles en zone de surveillance renfor­cée.

À Aix, Marseille et en Guade­loupe, les bars et restau­rants referment boutique pour une quin­zaine de jours. À Paris et dix autres grandes villes, les bars devront fermer à 22 heures jusqu’à nouvel ordre. Nouveau coup porté à l’éco­no­mie hexa­go­nale, où la crainte d’un recon­fi­ne­ment avant Noël est dans tous les esprits. Doit-on l’évi­ter à tout prix ?

Le dernier recours

Face aux sièges vides des disco­thèques, des grappes de jeunes échangent les bouteilles sur la plage de la Vila Olím­pica, à Barce­lone. Ce 25 juillet 2020, inquiété par l’aug­men­ta­tion des cas de Covid-19, le gouver­ne­ment cata­lan a ordonné la ferme­ture des clubs de la région. Alors les fêtards ont reflué vers le sable, lais­sant les profes­sion­nels de la nuit désœu­vrés. « C’est une catas­trophe », s’émeut Jordi Capde­villa, respon­sable du Shôko, un club situé sur le front de mer. « Nous ne savons pas comment nous allons tenir. » Pour ne pas garder la tête sous l’eau, la Fédé­ra­tion des établis­se­ments de nuit a demandé à la justice d’an­nu­ler la déci­sion du gouver­ne­ment cata­lan mardi 28 juillet.

Sur les 1 150 nouveaux cas de coro­na­vi­rus détec­tés en Espagne mercredi 29 juillet, 211 se trou­vaient en Cata­logne, dont le secré­taire de la Santé publique, Josep Maria Argi­mon, veut « à tous prix » éviter un deuxième confi­ne­ment. En France, Jean Castex veut aussi « éviter par-dessus tout un recon­fi­ne­ment géné­ral ». Mais dans le même temps, le Premier ministre « décon­seille » aux Français de se rendre en Cata­logne, où 1 355 cas supplé­men­taires étaient recen­sés vendredi dernier.

L’Es­pagne tente vaine­ment de rassu­rer les pays voisins afin de sauver le tourisme, un secteur qui repré­sente 12,3 % de son PIB. Mardi 28 juillet, le gouver­ne­ment espa­gnol a réaf­firmé que le pays était une desti­na­tion « sûre » malgré le rebond des cas posi­tifs et a rendu obli­ga­toire le port du masque à Madrid. Cela n’a pas empê­ché le Royaume-Uni d’im­po­ser une quaran­taine de 14 jours aux touristes britan­niques à leur retour d’Es­pagne.

Les Anglais repré­sentent 40 % des touristes esti­vaux en Espagne dans certaines régions comme celle de Valence (18 millions de touristes britan­niques en 2019). L’or­ga­ni­sa­tion patro­nale Excel­tur estime que la quaran­taine britan­nique pour­rait coûter 8,7 milliards d’eu­ros en août et septembre au secteur du tourisme espa­gnol, dont le chiffre d’af­faires devrait déjà être divisé par deux en 2020.

À Paris comme à Madrid, le recon­fi­ne­ment est vu comme un ultime repous­soir. « On ne va pas faire un plan de recon­fi­ne­ment comme nous avions fait celui du mois de mars », promet Jean Castex. « Un recon­fi­ne­ment absolu, comme ce qu’on a connu en mars dernier, aurait des consé­quences terribles pour le pays. Nous allons cibler. »

Pour­tant, l’épi­dé­mie progresse dans le monde, avec 280 000 recen­sés le 25 juillet. Cinq jours plus tard, le Brésil enre­gis­trait plus de 70 000 nouveaux cas et 1 600 décès en 24 h, tandis que 59 862 cas supplé­men­taires étaient détec­tés aux États-Unis, portant le total à plus de 4,3 millions de cas pour près de 149 000 morts. Les auto­ri­tés sani­taires indiennes ont pour leur part confirmé un nouveau record d’in­fec­tions quoti­diennes vendredi 31 juillet avec 55 078 nouvelles personnes touchées.

Tout cela a poussé le comité d’ur­gence de l’Or­ga­ni­sa­tion mondiale de la santé (OMS) à orga­ni­ser une quatrième réunion vendredi pour évaluer la situa­tion et propo­ser de nouvelles recom­man­da­tions pour faire face à la pandé­mie qui a déjà tué près de 675 000 personnes dans le monde. Mais on sait déjà que personne ne veut d’un recon­fi­ne­ment. L’éco­no­mie mondiale pour­rait ne pas y survivre.

Para­ly­sie

La première vague de coro­na­vi­rus, accom­pa­gnée d’un confi­ne­ment massif impliquant près de la moitié de l’hu­ma­nité, a eu de graves consé­quences sur l’éco­no­mie inter­na­tio­nale. L’Or­ga­ni­sa­tion des nations unies (ONU) estime que sur l’an­née 2020, le tourisme mondial, dont la moitié est repré­sen­tée par l’Eu­rope, aura perdu 2 900 milliards d’eu­ros. Ce secteur repré­sente 10 % du PIB euro­péen et pour la France, le pays le plus visité au monde, l’ad­di­tion est très salée. Dans l’hexa­gone, le chiffre d’af­faires du tourisme tourne autour de 143 milliards d’eu­ros par an. Cette année, il sera de 33 milliards selon l’agence de déve­lop­pe­ment touris­tique en France.

Une baisse dras­tique qui se ressent sur le PIB du pays, qui selon l’In­see aurait chuté de 17 % au deuxième trimestre par rapport au premier. L’ins­ti­tut estime égale­ment que l’ac­ti­vité en décembre 2020 en France pour­rait être entre 1 et 6 % en dessous de son niveau d’avant la crise. Sur l’en­semble de l’an­née, le PIB aura dimi­nué de 9 % par rapport à 2019. Selon les écono­mistes, le « coro­na­krach » sera plus dévas­ta­teur que la crise bancaire et finan­cière de 2008.

Selon l’Ob­ser­va­toire français des conjonc­tures écono­miques (OFCE), au mois d’avril 2020, le PIB mondial a chuté de 19 % tandis que le commerce mondial a baissé de 25 %. À travers le globe, la valeur ajou­tée du secteur de l’hé­ber­ge­ment-restau­ra­tion aurait dimi­nué de 47 %, celle du commerce de 43 %. Des chiffres catas­tro­phiques qui pour­raient empi­rer et faire sombrer l’éco­no­mie mondiale en cas de recon­fi­ne­ment. Puisque tout le monde cherche à éviter cette catas­trophe, il est vu comme un dernier recours.

Mais que faire lorsque les déci­sions d’un autre pays para­lysent votre écono­mie ? Même si les bars cata­lans restaient ouverts, cela ne ramè­ne­rait pas les touristes français qui ont pour consigne d’évi­ter la région. La France est aussi concer­née : si la Chine venait à se recon­fi­ner, l’Eu­rope serait à nouveau touchée, alors qu’elle mise sur un plan de relance de 750 milliards d’eu­ros pour rele­ver la tête. De nombreux secteurs comme l’au­to­mo­bile, l’aé­ro­nau­tique, l’ar­me­ment et bien sûr le tourisme ont de quoi craindre un recon­fi­ne­ment.

L’Or­ga­ni­sa­tion de coopé­ra­tion et de déve­lop­pe­ment écono­miques (OCDE) tire déjà la sonnette d’alarme en prévoyant deux scéna­rios. S’il n y a pas de seconde vague, l‘orga­ni­sa­tion anti­cipe, pour 2020, une contrac­tion de l’ac­ti­vité de 6 % avant une crois­sance de 5,2 % en 2021. Si un recon­fi­ne­ment devait avoir lieu, l’éco­no­mie mondiale pour­rait chuter de 7,6 % cette année. Dans la zone OCDE, le chômage pour­rait, pour sa part, passer de 5,4 % en 2019 à 9,2 % en 2020.

Peu importe le scéna­rio, « à la fin de 2021, la perte de revenu dépas­sera celle de toutes les réces­sions précé­dentes au cours des 100 dernières années sauf en période de guerre, avec des consé­quences terribles et durables pour les popu­la­tions, les entre­prises et les gouver­ne­ments », déplore la chef écono­miste de l’OCDE Laurence Boone. La zone euro sera parti­cu­liè­re­ment touchée avec un déclin du PIB prévu à 9,1 % dans le scéna­rio favo­rable, et à 11,5 % en cas de deuxième vague. Selon l’Agence centrale des orga­nismes de sécu­rité sociale (Acoss), la masse sala­riale française a dimi­nué de 10 % en un mois, et de plus de 7 % par rapport à l’an­née précé­dente.

De plus, 1,2 million d’em­plois ont été perdus en 2020 et une baisse du salaire moyen par tête de 5,7 % a été obser­vée. Les quar­tiers les plus pauvres de France sont les plus touchés. Selon une étude de l’École d’éco­no­mie de Paris parue le 10 juillet, la morta­lité a augmenté de 50 % dans les communes françaises les plus riches, et de 88 % dans les communes les plus pauvres en temps d’épi­dé­mie. Et dans le monde, ce sont aussi les pays les plus pauvres qui risquent de payer le plus lourd tribut.

Les gouver­ne­ments du monde vont ainsi devoir trou­ver une solu­tion pour préser­ver les emplois, les reve­nus tout en limi­tant l’ex­cès de morta­lité dans certains terri­toires, un équi­libre fragile entre néces­sité sani­taire et reprise écono­mique. Un vaccin pour­rait les y aider, mais aucun des 200 projets en déve­lop­pe­ment dans le monde n’est très proche d’abou­tir. Les plus avan­cés promettent des résul­tats à la fin de l’an­née 2020. D’ici là, les diri­geants vont prendre des mesures pour éviter la circu­la­tion du virus, afin de faire en sorte de ne pas avoir à tout fermer. Leur impact aura à lui seul de lourdes consé­quences écono­miques et sociales.

Couver­ture : Adrien Delforge

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